CYCLE
2019-2023

INTRODUCTION

Nous sommes les enfants d’un temps long, et nombre de nos tendances actuelles sont issues de mouvements profonds, anciens, quasi tectoniques. L’histoire vit en nous. On peut prétendre l’oublier. On peut prétendre que ça ne veut rien dire pour nous. Mais quoi qu’on prétende, ça ne change rien : l’histoire vit en nous. Nous en héritons et nous la transmettons. Cette culture est invisible. Elle se construit des différents environnements dans lesquels nous baignons. Souvent inconsciente, elle n’en détermine pas moins nos relations avec les autres et le regard que nous portons sur la vie.

Comme la mémoire individuelle, la mémoire collective n’est ni infaillible ni exhaustive… Elle est en réalité le fruit d’une tout autre logique. « La mémoire collective, c’est l’ensemble des représentations sociales du passé dans une société donnée, énonce Denis Peschanski, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et directeur de recherche au CNRS. Au filtre de cette mémoire ne sont retenus que les événements perçus comme structurants dans la construction de notre identité collective. »

Ainsi, des événements vécus par un nombre important de personnes n’en feront pas partie, et d’autres qui concernent une minorité mais sont porteurs d’un sens fort y seront intégrés. « La mémoire collective n’est pas la somme algébrique des mémoires individuelles », insiste l’historien.
Il est important de différencier deux formes de transmission : la transmission intergénérationnelle (entre générations se connaissant) et la transmission transgénérationnelle (sur plusieurs générations parfois lointaines) d’une « tâche inachevée ». La première est claire et contient ce qui est connu, consciemment transmis. La seconde contient ce qui est tenu secret, caché, non-dit, non-su, souvent un traumatisme ou un deuil non résolu, mais encore actif.

Freud écrivait : « Nous postulons l’existence d’une âme collective et la possibilité qu’un sentiment se transmettrait de génération en génération se rattachant à une faute dont les hommes n’ont plus conscience ni le moindre souvenir. »

Que portons-nous encore des grands traumatismes sociétaux : guerres, épidémies, révolutions… Que portons-nous des traumatismes familiaux : secrets, deuils… Comment ces évènements nous agissent de façon inconsciente aujourd’hui encore ? Les spectacles de ce cycle invitent chacun.e à s’interroger sur ce que nous portons de notre histoire et de l’Histoire. Ne pas s’interroger, ce serait se condamner à ne pas nous comprendre.

Vincent Dussart