CYCLE
2015-2018

INTRODUCTION

Lieu de notre inscription vivante dans le monde, le travail demeure une forme essentielle de l’expression de soi. Et c’est cela qui est mis en danger par les nouvelles formes de travail.

Longtemps indigne et méprisé, le travail s’est imposé, au cours des trois derniers siècles, comme un marqueur fort de l’identité. Véritable épine dorsale de la vie selon Nietzsche, le travail est une façon de s’identifier et d’être identifié ; il est le lieu de prédilection, avec la famille, de la construction de l’estime de soi.

Depuis près de 40 ans, le travail est devenu un bien rare pour des millions de travailleurs. Sorties d’un modèle de prospérité où croissance se conjugue avec plein emploi, les sociétés européennes subissent depuis les années 70 un chômage endémique qui frappe prioritairement les jeunes, les séniors et les moins diplômés.
Le travail a de fait cessé de jouer son rôle de grand intégrateur à la collectivité. Le manque d’emploi est une donnée structurelle des sociétés contemporaines à laquelle se heurtent les objectifs à court terme d’inversion des courbes du chômage.

Le développement du précariat symbolise cette faillite intégratrice du travail. Contrats temporaires, temps partiels… sont devenus une réalité permanente. Dans une période économiquement atone, la flexibilité permet sans doute de lutter contre le chômage et facilite parfois l’accès aux situations plus stables, mais pour les individus qui y sont soumis, travailler reste alors synonyme d’incertitude du lendemain, de bouleversements des rythmes de la vie privée et professionnelle et, pour les travailleurs pauvres, de difficultés à vivre de son travail.

A partir des années 1990, de nouvelles formes d’organisation du travail s’imposent, plus complexes, flexibles, polyvalentes qui prônent une gestion individualisée des salariés. La conséquence immédiate de ces nouvelles formes d’organisation a été l’explosion des maux au travail. L’espace médiatique est saturé de témoignages sur le malaise ou le silence des cadres, la souffrance et les suicides au travail, l’épuisement professionnel et le stress des uns, les troubles musculo-squelettiques des autres.

Dans ces conditions, l’entreprise contemporaine répond-elle toujours aux aspirations des salariés à se réaliser et à s’épanouir grâce au travail ?
Pris en étau entre le risque du chômage et de l’exclusion, comment le salarié perçoit-il la transformation de son entreprise ? Est-ce synonyme pour lui de dégradations et d’intensification du travail ou de gain de sens ?
Ces sont ces questions que posent les spectacles qui composent ce cycle et qui permettront à chacun d’interroger son propre rapport au travail.

Vincent Dussart